« Eh le capuchon, ôte-toi de là »
Surpris, la forme encapuchonnée se retourne et s’écarte juste à temps pour laisser passer une armoire à glace en costard. Une senteur assez appétissante émane de sa personne, puisqu’il s’agit d’un large bloc de jambon de pays sur pattes. Ses yeux porcins engoncés dans son visage rouge et ridé parcourent la salle, les rats ayant presque terminé leur nettoyage se regardent brièvement puis fuient en couinant vers leurs combles douillets. Un fouet en couenne est enroulé sur son flanc gauche
Le gros jambon s’avance puis se retourne : « C’est bon patron, la voie est libre »
Un petit homme assez âgé à la peau blanche comme le lait et revêtu d’un manteau de beurre et d’un chapeau en croûte de tomme des Pyrénées entre à son tour. On remarque bien vite sa forme cylindrée verticale, il n’y a pas de doute, il s’agit bien de Chèvretti, un des lieutenants de la tristement célèbre Fromcharcutilla qui règne sur le milieu d’une main de fer
Sur ses talons entre un autre malabar , une saucisse géante à la démarche souple et inquiétante. Une balafre à l’odeur délicieuse traverse sa joue droite, trace d’un combat épique contre l’Inspecteur Barbecue… Sa ceinture est constellée de rondelles de saucisson tranchantes comme des lames de rasoir…
Chevretti tend un doigt vers les cuisines : « Jambonneau, va me chercher le patron ou quelque chose qui y ressemble ! »
L’intéressé s’exécute lourdement
« Montbelliard ! reste sur tes gardes et surveille-moi tout ce beau monde, ça pue le végétal par ici, y’en a pt’êt qui sont planqués quelque part… »
Son regard se pose sur la silhouette encapuchonnée qui a gardé son calme et observé la scène en silence.
« et toi t’es qui ? un habitué ? me dis pas que tu supportes les légumes, hein, ou ça va chauffer pour ton matricule… cette taverne a négligé ses devoirs, elle a oublié de verser sa prime pour la protection des lieux… il va falloir que quelqu’un s ‘explique, réponde à quelques questions… sinon je serai forcer d’appeler Rillettes et Concoillotte qu’attendent dehors, et ceux-là, crois-moi, ils en ont noyé plus d’un… »